Quel est votre rôle au Théâtre de l’Œuvre ?

Avec François-Xavier Demaison, nous partageons la direction artistique du Théâtre de L’Œuvre. C’est une envie, un désir commun qui nous a réuni. Celui de pérenniser ce magnifique théâtre, de travailler à défendre la création théâtrale contemporaine et de collaborer avec des auteurs, des metteurs en scène, des acteurs de notre temps, de notre génération. Nous désirons offrir un théâtre de texte qualitatif et populaire, en résonance avec le monde actuel. Nous souhaitons aussi ouvrir ce lieu à la musique, aux lectures, au jeune public, à l’humour, à toute forme d’art de la scène et cela pour que L’Œuvre soit un théâtre d’aujourd’hui sans barrière ou frontière en perpétuel mouvement, un lieu libre et créatif.
Mon rôle est de mettre en musique au quotidien cette partition, ce projet imaginé ensemble et de piloter ce navire vers de nouvelles destinations.

Quel est votre parcours ?

Après une formation au sein de la Compagnie des Baladins en Agenais dont je suis originaire, j’ai à 18 ans, quitté ma province, comme le dit la chanson d’Aznavour pour rejoindre Paris. J’y ai créé ma compagnie et mis en scène de nombreux spectacles tels que Le Concile d’Amour d’Oskar Panizza avec Denis Lavant, Quartett  d’Heiner Muller avec Jean Philippe Écoffey, Beaucoup de Bruit pour rien et Roméo et Juliette de Shakespeare avec Xavier Gallais. J’ai aussi adapté et mis en scène au Théâtre de l ‘Atelier Adultères de Woody Allen, Baby Doll  de Tennessee Williams avec Mélanie Thierry qui a reçu 7 nominations aux Molières et La Rose Tatouée de Tennessee Williams avec Cristiana Reali. J’ai eu le plaisir de créer en France Grand Écart de Stephen Belber avec Thierry Lhermitte à la Madeleine, Pluie d’’Enfer de Keith Huff avec Olivier Marchal à la Pépinière Théâtre, Une Autre Vie de Brian Friel au Théâtre La Bruyère et Love Letters de A.R Gurney au Théâtre Antoine avec en alternance Gérard Depardieu et Anouk Aimée, Jean Pierre Marielle et Agathe Natanson, puis Francis Huster et Cristiana Reali. En 2015, j’ai pris la direction du Théâtre Lucernaire et en 2016 la direction du Théâtre de L’Œuvre.

Qu’est-ce qui vous a motivé à prendre la direction du Théâtre de l’Œuvre ?

C’est Frédéric Franck, qui a dirigé le Théâtre de la Madeleine pendant 10 ans et L’Œuvre durant 4 saisons qui m’a demandé de lui succéder. Frédéric est un homme de théâtre érudit, amoureux des textes et des artistes, défendant avec passion et engagement un théâtre privé sans compromission. Il est aussi exigeant artistiquement. C’est quelqu’un avec qui j’ai travaillé en toute amitié et pour qui j’ai le plus grand des respects. Cette proposition de me confier le commandement de ce si beau navire était donc pour moi un honneur.
Et puis le Théâtre de L’Œuvre est un théâtre qui ne se refuse pas. Il a de par son histoire, de par les grandes figures théâtrales qui ont façonné cette salle pour en faire un véritable écrin à la création, une place particulière au cœur des théâtres parisiens. C’est une salle au charme poétique et envoutant, hantée par des artistes qui ont donné à travers leurs talents une âme théâtrale puissante et singulière à ce qui, à l’origine n’était qu’une salle de concert. Je pense à Lugné-Poe qui en a fait un théâtre et avec lui Claudel, Georges Bernard Shaw, Anouilh, Cocteau, Albert Camus, Raymond Rouleau, Georges Herbert, Pierre Franck, Georges Wilson et Jacques Dufilho, Robert Hirsch, Suzanne Flon, Gérard Maro et pour finir Frédéric Franck, qui chacun à leur tour ont écrit une page du grand livre de L’Œuvre. M’inscrire dans cette histoire, la prolonger la réinventer est un défi, un voyage, une aventure exaltante pour l’homme de théâtre que je suis. Enfin, il y a la collaboration avec François-Xavier avec qui nous partageons une même vision et une même envie de ce que doit être le Théâtre de L’Œuvre. Cette collaboration, en plus d’une amitié, est une richesse, créatrice d’idées, de rencontres et de projets.

Quelles sont pour vous les qualités à posséder pour diriger un théâtre ?

Un Théâtre c’est un travail d’équipe dont on est le chef d’orchestre. Il faut être dans le dialogue permanent avec chacun, savoir écouter et entendre, être créatif pour donner de l’envie, du désir au quotidien, questionner ses certitudes et à la fois maintenir le cap et ne pas dévier du projet initial que l’on souhaite construire. Il faut savoir dire non, faire des choix, être réactif et respectueux de chaque envie extérieure et y répondre. Directeur de Théâtre apprend la patience et demande de la ténacité pour mener à bien ses projets. Cela demande aussi à des artistes comme François-Xavier et moi-même d’être curieux des autres, de pas être autocentré sur soi-même. On ne dirige pas un théâtre pour soi-même mais pour le théâtre, son public et avec l’envie d’accueillir, de partager un tel écrin avec des hommes des femmes dont on aime le travail artistique.

Qu’aimez-vous le plus dans votre métier ?

Ce qui est exaltant, passionnant c’est de construire. On part d’une page blanche, d’un projet couché sur une feuille de papier et on le met en œuvre. C’est un travail différent et à la fois très proche de celui de metteur en scène. C’est un travail de l’éphémère. On n’est qu’une pierre, un créateur d’une histoire à un moment donné dans la longue histoire d’un Théâtre. Ce que j’aime aussi, c’est d’entrainer avec moi une équipe, de partager des rencontres, des émotions, d’offrir aux artistes un lieu où l’on aime créer, vivre, jouer et partager. Le Théâtre n’est pas seulement la représentation du soir, c’est un travail dans l’ombre. Un processus de création réunissant acteurs, équipe artistique et administrative, producteurs, techniciens, attachés de presse, publicitaires et bien d’autres encore qui œuvrent en coulisse à offrir au public, le temps d’un instant, la possibilité d’être transporté dans une histoire.
C’est de permettre à des hommes et des femmes de se réunir et de partager un instant rare fragile et unique qui est celui de la représentation théâtrale.

Comment choisissez-vous les pièces qui vont être jouées ?

François-Xavier et moi sommes en recherche, en lecture permanente de pièces et de projets. Une programmation est forcément subjective et c’est sur nos envies et nos coups de cœur que se fait le choix. Mais notre volonté est aussi de susciter le désir chez des auteurs, metteurs en scène, acteurs, actrices dont nous aimons le travail et que nous souhaitons accueillir à L’Œuvre. Une direction artistique d’un Théâtre a pour mission de provoquer la création, de l’encourager et de la défendre. Il nous faut être ouvert, sans préjugé et moteur d’envies et de créativité.

Que diriez-vous au public d’habitués de la salle pour présenter la nouvelle programmation, la rénovation du théâtre ?

Nous avons choisi comme acte fondateur de cette nouvelle direction une programmation forte et ambitieuse qui pose clairement notre projet artistique pour L’Œuvre. Celui de la création contemporaine. Aussi avons-nous décidé de créer la dernière pièce de Florian Zeller Avant de s’envoler avec Robert Hirsch, Isabelle Sadoyan, Claire Nadeau, Anne Loiret, Léna Bréban et François Feroleto. Parce que nous avons aimé ce texte poignant, poétique et émouvant, parce que Florian est un de nos plus grands auteurs d’aujourd’hui reconnu et joué dans le monde entier, qu’il traite dans cette pièce avec une délicatesse rare un instant de  vie qui nous concerne tous, la disparition d’un être cher; parce c’est une pièce chorale avec six merveilleux acteurs et que c’est une gageure à L’Œuvre de recevoir une distribution si nombreuse et si belle mais cela fait partie des folies que nous  aimons, parce que Ladislas Chollat en est le metteur en scène et que son travail est toujours de qualité et aussi, car ouvrir une nouvelle page de L’Œuvre avec un monstre sacré du Théâtre, un acteur exceptionnel et prodige comme Robert Hirsch est un honneur pour nous . Il est avec Laurent Terzieff, Philippe Caubère et Gérard Depardieu pour moi un des acteurs qui m’a donné l’envie à tout jamais de faire ce métier. Nous avons aussi eu la volonté de rénover et ré éclairer le Théâtre car il nous semblait important, tout en préservant son âme, de lui offrir une nouvelle énergie, de mieux le mettre en lumière, de le rendre plus accueillant et chaleureux. Un effort particulier est fait sur le foyer car nous voulons en faire un espace de convivialité gourmand où déguster de bons produits du terroir, des vins et champagnes de qualité sera pour le public un plaisir. Pour deux épicuriens comme François-Xavier et moi, cela était essentiel !

Un mot de la fin ?

Nous vous invitons début octobre à découvrir un Théâtre de L’Œuvre réinventé, un spectacle rare Avant de s’envoler, un monstre sacré Robert Hirsch, une nouvelle page de l ‘histoire de ce beau Théâtre que nous souhaitons écrire avec vous et pour vous